Les oiseaux d’hiver attirent aussi des poltrons
Récit d'aventure
par
Daniel Beauregard
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beauregard.daniel@videotron.ca
beauregard.daniel@videotron.ca
Photo Daniel Beauregard 2013
Cet automne, je me suis préparé à nourrir les oiseaux pour
l’hiver. L’hiver précédent, j’avais soigneusement et patiemment fabriqué une
jolie mangeoire de style rustique à l’aide de restant de planches d’une veille
table. Cette réalisation est restée sans grand éclat au niveau architectural,
mais je l’aime bien pour son côté personnel.
J’ai donc installé la mangeoire sur une pièce de bois à deux
mètres de hauteur. L’emplacement près du jardin lui donne une touche
particulière et j’ai pris soin de déposer au pied du socle de jolies roches.
En farfouillant dans ma remise, j’ai aussi découvert une
ancienne mangeoire en plastique construite sur le modèle en rond avec trois
étages bien garnies de perchoirs. Ceux-ci accueillent les atterrissages des
oiseaux.
J’ai complété mon attirail avec un support semblable à une
cage métallique pour y loger des gâteaux de suif bien gras dont raffolent les
oiseaux pendant l’hiver.
Un gros sac de graines de tournesol et un autre de graines
variées allaient assurer le menu de mes nouveaux amis.
Je dois ajouter que l’environnement derrière chez moi est
parfait pour accueillir les oiseaux. Ils peuvent se poser ou se cacher dans un
arbuste conifère de bonne dimension placé à deux mètres des mangeoires. Un camouflage parfait pour les aller et
retour gastronomiques.
Photo Daniel Beauregard 2013
Très vite j’ai été rassasié et quelle satisfaction en les
voyant apparaître, mésange, gaie bleu, cardinal, jonco, pic, sitelle, sizerin,
tourterelle. Cette vive animation d’autoroute ailée m’a enchanté en me
procurant beaucoup de plaisir à les observer et surtout les photographier.
Mai qu’elle fut ma déception en apercevant un gros écureuil
gris bien installé dans la mangeoire et s’empiffrant à une vitesse incroyable
de la nourriture de mes oiseaux. Je n’allais pas rester là à ne rien faire à
regarder ce glouton s’empiffrer et ainsi priver mes amis ailés du plaisir de
déguster les graines, ce repas préparé avec amour par un ornithologue en
devenir.
Photo Daniel Beauregard 2013
Il ne s’agissait pas d’un écureuil mais d’une famille
entière, parents et rejetons. Je ne me doutais pas qu’ils allaient
m’enfermer dans une guerre interminable. En bon chrétien altruiste j’ai décidé
de combattre avec des moyens simples et d’égal à égal.
Photo Daniel Beauregard 2013
Mais, désespoir! Quelle ne fut pas ma surprise de revoir un
gros écureuil dans le garde-manger. J’entrepris donc une phase d’observation
pour comprendre le stratagème de ses bêtes sans scrupule et sournoises.
J’ai alors compris qu’un écureuil gris possède une très
grande force de propulsion de ses pattes arrière et de ce fait peut réussir un
saut proportionnellement beaucoup plus grand qu’un sauteur olympique de 6 pieds
quatre pouces.Le parcours se fait en deux étapes, primo le saut sur le
toit et secondo la descente dans
la mangeoire tout cela sans avoir seulement effleurer mes baguettes de clous
piquants.
Ma réaction fut très spontanée « à la guerre comme à la
guerre». J’ai tendu de mon genévrier un fil de fer vers le cadre de bois de la
fenêtre de la maison et y ai suspendu la mangeoire maintenant déboulonnée du
piquet. Tout cela suspendu à au moins 2.5 mètres du sol.
J’ai vu à de nombreuses reprises mes bibittes plongeuses
parcourir les branches du génévrier pour évaluer la possibilité de plonger vers la mangeoire. Mais peine
perdue, les branches trop flexibles ne donnaient pas un support assez résistant
pour assurer l’élan. J’ai été sidéré d’apercevoir ti-gris plonger du cadre de la fenêtre en se servant comme
un excellent support. J’ai transporté mes baguettes de clous sur le cadre, j’ai
ajouté de la graisse à cuisson. Malheureusement, tout cela sans succès. J’ai
installé un obstacle (un grand styrofoam) entre la mangeoire et la fenêtre et
ti-gris a sauté sur l’obstacle avant d’atterrir sur la mangeoire.
J’en ai retenu en conclusion trois mots «habilité,
équilibre, détermination».
Une autre caractéristique de sciuridé provient de sa
flexibilité. En s’accrochant à une branche par ses griffes recourbées il peut
sans effort particulier s’étirer pour attraper la mangeoire par ses pattes
avant. À cause du peu de surface, il ne peut monter dessus, il réussit à fouiller avec son nez pour capter des
graines en position ¨Cirque du Soleil¨.
Photo Daniel Beauregard 2013
Photo Daniel Beauregard 2013
Malgré mon envie de tout abandonner j’ai regroupé mes
dernières énergies combattantes pour passer à une autre solution.
Quand vous faites du camping, vous avez des poteaux
métalliques qui s’ajustent en hauteur et qui peuvent servir à supporter une
mangeoire. Dans un cas, la mangeoire rustique déjà pourvue d’un trou
sera déposée sur la pointe du poteau et solidifiée par une attache. Pour
l’autre, j’ai fabriqué une allonge en bois pour ensuite la déposer sur la
pointe du poteau.Une bonne petite couche de graisse à cuisiner sur le poteau
allait compléter la ruse du guerrier citadin. Même avec un ajout d’huile à
moteur, ce qui arrêterait certainement un humain, mes grimpeurs ont fini par
trouver les conditions pour y arriver.
J’en suis donc à constater mon échec pour ce qui est de la
mangeoire rustique mais à une victoire pour le triplex. Le gras de suif reste
aussi inaccessible sur le fil de fer. Je sors avec ma grosse voix pour les
chasser. J’avoue avoir aussi lancer quelques objets de défoulement. J’ouvre la
fenêtre pour crier aussi baw…. Ma petite fille Alexie m’a vu le faire et elle
est restée ébaillie du plongeon immédiat de l’écureuil provoqué par mon
grognement animal. Elle a compris qu’elle pouvait les chasser juste en cognant
dans la fenêtre, c’est devenu un jeu pour elle.
Devrais-je remettre mon projet à l’an prochain pour être
réaliste?
Je me dois de revenir à mon objectif de départ qui se
voulait d’aider les oiseaux à passer l’hiver et à les admirer en retour.
J’avoue y prendre beaucoup de plaisir. J’ai croqué de très belles
photographies. J’ai appris quelques notions d’ornithologie.
Photo Daniel Beauregard 2013
Ils me procurent une grande satisfaction en les observant et
en les écoutant. Nous sommes bien maladroits devant leur qualité de
voltigeur.Ils sont comme nous, se coltaillent, se picossent, se tiennent aux
aguets et se servent avant tout en
premier. Les voir virevolter devant ma fenêtre contribue à égayer mon hiver et
je ne peux que constater leur courage par grand vent et grand froid.
Je connais mieux les écureuils et j’ai même de très bonnes
images de leurs poses uniques. Je ne les aime pas vraiment plus mais je compose
avec pour le moment. L’an prochain je tenterai d’utiliser mon expérience pour
les freiner, enfin je l’espère.
Photo Daniel Beauregard 2013
Chose certaine mon rendez-vous avec les oiseaux restera à
l’agenda.
Parfois je pense à eux et je me demande ce que font les
oiseaux la nuit à - 25 degrés quand je dors bien emmitouflé dans mon lit.
Photo Daniel Beauregard 2013
Daniel Beauregard
Photo Daniel Beauregard 2013
Photo Daniel Beauregard 2013